EROA

Les espaces de rencontre avec l’œuvre d’art sont, par le moyen des établissements scolaires, des lieux de culture ancrés dans des territoires afin de développer des démarches de rencontres entre des élèves et des créations artistiques. Ils sont principalement implantés dans des collèges du Nord et du Pas de Calais, également dans quelques lycées...

Les EROA fêtent leurs vingt ans

Au-delà de l’émancipation que représente le contact avec l’art, la proximité de l’accès aux domaines artistiques dans le cadre d’un EROA représente un gage de la possibilité pour des publics éloignés de la culture d’en devenir les familiers. Parfois les élèves rencontrent les artistes qui accompagnent l’expérience et attestent du caractère vivant de la création artistique dans le monde social...


Les EROA en dix questions.

Par Patricia Marszal
Inspecteur d’académie – Inspecteur pédagogique régional d’arts plastiques. 

Chargé des EROA de l’académie de Lille

Que sont les EROA ?

Les espaces de rencontre avec l’œuvre d’art sont, par le moyen des établissements scolaires, des lieux de culture ancrés dans des territoires afin de développer des démarches de rencontres entre des élèves et des créations artistiques. Ils sont principalement implantés dans des collèges du Nord et du Pas de Calais, également dans quelques lycées.

Les EROA sont ouverts sur leur environnement scolaire et social, soutenant le principe que les établissements sont des lieux de culture qui peuvent contribuer à l’aménagement culturel du territoire, en priorité dans des secteurs éloignés de la culture pour des raisons géographiques ou sociales.

Chaque espace de rencontre avec l’œuvre d’art est animé par une équipe pluridisciplinaire qui conçoit le projet culturel et pédagogique. Dans les collèges, les EROA sont souvent coordonnés par un professeur d’arts plastiques.

Pourquoi des EROA ?

Les espaces rencontre avec l’œuvre d’art sont nés dans l’académie de Lille en 1996, faisant suite, en la pérennisant et en élargissant les partenariats, à une autre démarche entreprise dès 1989 avec le Fonds régional d’art contemporain : « des élèves à l’œuvre ».

Le rectorat et le FRAC s’étaient alors associés pour la première fois en France afin de permettre à des équipes pédagogiques de collèges, différentes chaque année, d’accueillir des œuvres de la collection sur la base d’un projet pédagogique.

En 1990, une enquête avait mesuré que seuls 4% des collégiens bénéficiaient alors, dans le temps scolaire encadré, d’une possibilité de voir des œuvres authentiques dans des musées ou des centres d’art. L’invention des EROA est une réponse, articulée à d’autres, dont les services éducatifs des musées,  pour travailler à réduire cette inégalité.

Comment sont organisés les EROA ?
Les espaces de rencontre avec l’œuvre d’art constituent une sorte d’archipel organisé en réseau.

Ce réseau est encadré par un groupe de pilotage éducation et culture, composé du rectorat et de la direction régionale des affaires culturelles qui sont les promoteurs du dispositif.

Une équipe opérationnelle de deux professeurs chargés de mission assure le suivi, les actions de valorisation et de formation continue qui accompagnent les activités de tous les EROA.

Un cahier des charges fixe les objectifs, l’organisation et les modalités de fonctionnement des EROA. Il est la base du contrat liant chaque établissement avec le dispositif.

Un site internet archive les expériences et présente les projets en cours.

Quels partenariats pour les EROA et quelles modalités ?
Les EROA sont soutenus, dans le cadre de partenariats institutionnels, par les collectivités territoriales de tutelle des établissements du second degré, qui ont ainsi associé le dispositif à leurs projets de développement culturel, participent à leurs dépenses de fonctionnement et aménagent des locaux.

Le dispositif des espaces de rencontre avec l’œuvre d’art travaille dans le cadre de partenariats culturels institutionnels et privés : musées en France, en région et hors région, collectionneurs indépendants, galeries d’art, également des collections publiques et privées internationales, des FRAC de plusieurs régions, le Fonds national d’art contemporain, …

Ces actions s’appuient sur la base de principes simples : la gratuité des activités, un projet pédagogique et culturel, le prêt d’œuvres sur de courtes durées par les collections publiques ou privées sollicitées, l’implication de tous les élèves de l’établissement d’appui, le respect du cahier des charges.

Quel bilan quantitatif dresser à ce jour de l’activité des EROA ?
Depuis 1996, année de création du dispositif, plus de 500 expositions présentant environ 400 artistes ont été réalisées, avec à chaque fois, des accompagnements pédagogiques et la présentation des œuvres accueillies à tous les élèves de l’établissement. 

On peut évaluer que plus de 300 000 élèves, comptabilisés comme visiteurs cumulés sur le total des expositions, ont été concernés par ce type d’expérience.

Quels domaines artistiques sont abordés dans les EROA ?
Les projets des espaces de rencontre avec l’œuvre d’art sont inscrits dans le monde de la création en arts plastiques et visuels, en architecture et paysage, en photographie, en audio-visuel de création, en création numérique, en design, en spectacle vivant exposant des démarches et des oeuvres contemporaines, et chaque fois que possible, des dialogues entre art vivant et œuvres patrimoniales.

Exposer des œuvres d’art dans des collèges ou des lycées, est-ce le seul but des EROA ?
Amener des œuvres aux élèves est une des finalités. Il s’agit d’un mouvement qui demeure encore peu fréquent dans la vie des établissements. L’objectif des espaces de rencontre avec l’œuvre d’art est d’accorder un lieu et du temps pour cette démarche afin qu’elle puisse se renouveler et s’inscrire dans l’horizon éducatif des élèves. Ces expositions peuvent constituer une base de travail dans le cadre de l’enseignement de l’histoire des arts , fédérer les équipes pluridisciplinaires, contribuer au parcours artistique et culturel des élèves.

Il s’agit davantage, par ce moyen des EROA, de contribuer à forger dans l’école une compétence aux œuvres, pour les élèves et pour les enseignants, dans le rapport concret aux créations.

Quels apports culturels permettent ces situations de rencontre dans les EROA ?
L’une des problématiques principales des espaces de rencontre avec l’œuvre d’art s’exprime dans l’intitulé même du dispositif. Le contour général est en effet globalement celui d’une galerie à vocation pédagogique en établissement : un espace dédié, où des œuvres puissent être vues prioritairement par un public scolaire.

Mettre l’accent sur la notion de rencontre, c’est signaler que le travail est davantage centré sur ce qui interagit entre des élèves et des créations artistiques (des regards, des énoncés, des émotions, des réfutations, des déplacements, des corps en présence aux œuvres, des activités, …).

Une des premières ambitions des EROA est donc culturelle, en donnant un espace et du temps à ce qui peut interférer entre les cultures premières des élèves (sédiments ou reflets d’appartenances et de valeurs, représentations mentales initiales et univers familiers ou connus) et les pratiques singulières des artistes (additions ou affrontements à dessein de valeurs universelles ou personnelles, créations tournées vers ses spectateurs les projetant parfois vers un inconnu ou un indicible).

Quels développements suscitent ces actions de rencontre dans les EROA ?
Construire des situations de rencontre avec les œuvres, ce n’est pas réduire le travail au principe formel d’une exposition. C’est se poser la question de la finalité scolaire et engager la dimension pédagogique dans le travail artistique et culturel d’un espace de rencontre avec l’œuvre d’art.

Cette démarche fait appel à des compétences variées à rassembler : savoir travailler en équipe pédagogique, parvenir à mutualiser des ressources culturelles ou techniques, favoriser des pratiques coopératives entre enseignants ou entre élèves, concevoir un projet culturel, en gérer les données budgétaires et en maîtriser les aspects techniques.

Dans une situation encore souvent inédite dans l’école, c’est aussi viser l’apprentissage, par des approches polysensorielles, des capacités nécessaires à recevoir l’œuvre dans sa réalité vraie, soulagée des pertes de ses représentations : images des œuvres, discours sur l’œuvre … Il s’agit de favoriser la perception de la multiplicité des déploiements des créations dans leurs relations à l’espace et au corps ; de rendre attentif à la matérialité des œuvres dans ce qu’elle fait sens en soi ou soutient l’intention de l’auteur ; de comprendre la puissance des œuvres visuelles à représenter et à donner à voir des faits, des états, des signes, des idées, des inédits ou des différences, là où le verbal est épuisé ou inopérant.

Rencontrer une œuvre dans un EROA développe-t-il des compétences ?
En tournant les élèves vers la pluralité des créations artistiques, les espaces de rencontre avec l’œuvre d’art soutiennent des apprentissages, des attitudes, des connaissances, des savoirs faire qui ouvrent vers la pluralité des langages et des expressions, et qui sous-tendent un déplacement des représentations mentales et culturelles.

C’est apprendre à discerner entre des créations artistiques et des produits culturels. Notamment, prendre les œuvres à leur juste valeur : des expressions assumées par des artistes, souvent critiques ou sujettes à faire polémiques ou à réitérer la question de la définition de l’œuvre d’art.

Dans le cadre d’une démarche d’action d’éducation artistique et culturelle, un espace de rencontre avec l’œuvre d’art permet dans la scolarité commune et obligatoire, en tant que dispositif complémentaire, de soutenir l’effort pédagogique d’apporter aux élèves les moyens et les outils conceptuels pour identifier et situer des créations artistiques dans leurs débats sur le monde.

Ces situations de rencontre authentique permettent de développer une culture humaniste s’adossant à la connaissance d’un patrimoine culturel commun passé ou contemporain. Elles visent à partager des outils d’analyse des œuvres dans leur dimension polysémique. Elles offrent l’opportunité de contextualiser des démarches artistiques pour mieux en comprendre les enjeux et les finalités. Elles sont source de questionnement transversal pour toutes les disciplines enseignant l’histoire des arts. Elles montrent au public scolaire des processus de création de manière tangible et matérielle proposant , par conséquent, une conception vécue de l’œuvre d’art par l’expérience du corps et non réductible à la seule reproduction.

 

 

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