Le parcours de Jacques Lantier dans "La bête humaine" d'Emile Zola
Question : Les valeurs qu’incarne le personnage étudié sont-elles celles de l’auteur, celles d’une époque ?
Lancement :
Phase orale : Que veut dire pour vous l’expression « bête humaine » ? A quel type de récit vous attendez-vous ? (les hypothèses des élèves sont notées au tableau) Les réponses fournies par les élèves vont de la transformation d’un humain en animal ou vice versa à l’idée de la monstruosité physique ou morale. Pour le type de récit, les élèves imaginent soit un récit fantastique, un thriller, un roman qui porte sur le regard des autres ou la psychologie humaine.
Séance 1 : Portrait de Jacques Lantier
Lecture des textes qui constituent le groupement par le professeur, axes d’analyse dégagés par les élèves après la lecture. Les élèves entrent très rapidement dans les textes et dégagent des axes appropriés : la locomotive comparée à une femme, la relation de Jacques avec sa machine, la description physique et psychologique de jacques. Ils émettent des hypothèses sur les raisons du malaise de Jacques par rapport aux femmes : un homme qui n’a jamais connu de femme et qui ne sait pas s’y prendre, un homme amoureux et timide, un homme chez qui le désir se mêle à la violence. Les hypothèses évoluent vers davantage de pertinence au fur et à mesure de l’analyse des extraits du groupement. Le travail sur le lexique apparaît difficile : j’ai demandé aux élèves d’employer une série de mots du lexique de l’amour dans des phrases afin d’en faire comprendre le sens. D’abord les nuances entre les mots proposés leur échappent : nous avons donc eu recours au dictionnaire pour affiner les premières définitions. Puis la contextualisation des mots pour faire émerger le sens leur pose problème. Nous avons donc repris l’exercice ensemble et pris du temps pour construire des phrases adéquates. Nous avons ensuite classé les mots en fonction de l’intensité de leur sens. Le travail d’expression écrite proposé a plu aux élèves et ne leur a pas posé problème. Ils ont utilisé le lexique de l’amour sur lequel nous avions travaillé naturellement et des images pertinentes pour personnifier leur objet fétiche (ordinateur, ballon de foot ou de basket, stylo, moto...)
Séance 2 : Le couple Jacques-Séverine
Lecture du texte par le professeur, axes d’analyse dégagés par les élèves après la lecture. Les élèves perçoivent d’emblée la transformation de Jacques, qui est à l’aise avec Séverine. Ils perçoivent que les deux personnages « se font du bien ». Je leur ai proposé de travailler d’abord sur le cadre de leurs amours afin de mettre en place les connaissances du programme « connecteurs spatiaux et temporels ». Il est apparu nécessaire ensuite de raconter l’histoire de Séverine afin que les élèves nuancent leur jugement sur cette femme « adultère » perçue négativement au départ. Après le récit et les quelques extraits que nous avons lus, les élèves portent un regard très différent sur le personnage.
Entre les séances 2 et 3, lecture d’extraits concernant Séverine, le meurtre de Grandmorin, l’évolution des relations Jacques-Séverine
J’ai proposé un groupement d’extraits à lire afin de bien comprendre Séverine, la référence dans le texte étudié à « celle-ci, qui avait tué... », la rencontre entre elle et Jacques, la naissance de leur relation, leur complicité jusqu’au récit que Séverine lui fait du meurtre de Grandmorin. Les élèves ont apprécié ce moment de lecture-plaisir et ont conclu à sa nécessité. Il a suscité une attente forte chez les élèves quant à la suite de l’histoire.
Séance 3 : Le réveil de la bête
Lecture du texte par le professeur, axes d’analyse dégagés par les élèves après la lecture. Le mot « psychopathe » est lancé. Leur propos se nuance au fur et à mesure de l’analyse : jacques cherche quand même à lutter contre ses pulsions meurtrières. Cette séance permet de travailler le champ lexical des sens et le lexique des sensations.
Séance 4 : Le dilemme
A la fin de la séance 3 j’ai distribué le texte déclencheur d’écriture de la séance 4 et donné la consigne d’écriture : « Qu’allait-il faire ? » Jacques va-t-il décider ou non de tuer Roubaud ? Imaginez son dialogue intérieur. J’insiste sur le fait que les élèves doivent écrire à la 3ème personne et peser le pour et le contre. La dernière phrase du texte est donné en accroche.
Lecture du texte par le professeur, axes d’analyse dégagés par les élèves après la lecture. Le texte 2 de la séance 4 répond à la consigne d’écriture puisqu’il s’agit d’un passage où jacques s’interroge sur la décision à prendre. L’objectif est de travailler l’argumentation.
Cette fois ci le travail est défini par une consigne : relevez dans le texte les arguments en faveur du meurtre de Roubaud et les arguments contre ce meurtre. Je demande ensuite aux élèves de relever deux expressions du texte pour illustrer chaque attitude. Ils les trouvent sans difficulté.
Entre les séances 4 et 5, lecture de la première tentative de meurtre sur Roubaud
Séance 5 : la bête humaine
Lecture du texte par le professeur, axes d’analyse dégagés par les élèves après la lecture. La scène de l’assassinat de Séverine plait beaucoup aux élèves parce qu’elle comporte des détails sanglants et qu’elle décrit le meurtre. Ils veulent savoir ce qu’il advient de jacques.
Je demande aux élèves à la fin de la séance de mettre en lien les deux scènes de meurtre et le texte de la séance 5 : les élèves perçoivent que jacques tue sous le coup d’une pulsion incontrôlable et que lorsqu’il a le temps de réfléchir, il ne passe pas à l’acte, ce qui correspond à la théorie de Zola.
Le travail de collage proposé pour travailler le lexique offre une alternative ludique pour aborder l’étude du lexique. C’est une activité qui plait aux élèves. Elle permet de faire appel à d’autres modalités d’apprentissage.
Séance 6 : Le parcours de Jacques
Je souhaite que les élèves réfléchissent à la notion de « parcours ». Je leur demande d’abord ce que ce mot signifie pour eux. Ils donnent une définition collective, écrite au tableau et complétée à l’aide du dictionnaire. Je leur demande ensuite, à l’écrit, de qualifier le « parcours » de Jacques et de justifier leur réponse.
Chacun est ensuite invité à lire à la classe ce qu’il a écrit. Les élèves ont bien perçu que dès le départ, on peut s’attendre à ce que Jacques tue quelqu’un et que finalement c’est ce qu’il fait. Le caractère inéluctable de son destin apparaît dans de nombreuses réponses : il tente d’échapper à ses pulsions mais toute l’histoire le conduit à y céder (notamment sa rencontre avec Séverine que les élèves saisissent comme un déclencheur).
Séance 7 : Le projet de Zola
Cette séance permet d’aborder la capacité du programme « comprendre en quoi le personnage porte le projet de son auteur ». Dans le cas de Zola, cette question est fondamentale. Elle permet aussi de comprendre pourquoi Jacques ne peut échapper à son destin. L’arbre généalogique de la famille Rougon-Macquart retient l’attention des élèves. Il leur permet d’entrer dans la logique de Zola, logique dont ils débattent.
Pour clore cette séance, essentiellement axée sur l’oral et le débat, je propose aux élèves de passer à un travail d’expression écrite : « Pensez-vous que l’on puisse échapper à l’influence de son milieu ? » Nous avons en effet, à l’oral, au cours de la discussion, évincé le thème de la « tare génétique héréditaire » ancrée dans le XIXème siècle.
Les élèves répondent majoritairement que l’on peut échapper à l’influence de son milieu. Leur méconnaissance de certaines données sociales ne leur permet pas de nuancer leur propos. Ils ne s’appuient que sur des exemples très particuliers et isolés. Je propose en remédiation quelques documents pour leur permettre de nuancer leur jugement.
L’étude de ce personnage a plu aux élèves. Testée avec une classe de filles (Bac Pro secrétariat) et une classe de garçon (bac Pro EDPI), la séquence a fonctionné dans les deux cas. Tout l’intérêt du travail réside dans la phase finale de découverte du projet de Zola et de réflexion sur l’influence du milieu. Elle permet aux élèves de s’interroger sur eux-mêmes et de se construire en tant qu’individu.